Mardi 14 juillet 2015, je suivais
évasivement le défilé qui se déroulait comme à l’accoutumé sur les Champs
Elysées et je pris un plaisir certain à contempler les hommes de la Légion
Etrangère avancer au pas lent et
cadencé…puis, le reste suivit, sans surprise, sans grande nouveauté. En effet,
pourquoi les fêtes dites nationales sont-elles ponctuées depuis toujours par
des défilés martiaux et démonstratifs de force et de musculation ? Cela ne
correspond pas à l’attitude habituelle de nos gouvernements prônant à qui
mieux-mieux la paix, la tolérance, les droits de l’Homme. Vous allez me
répondre que qui veut la paix prépare la
guerre et qu’il s’agit là d’une tradition bien ancrée dans l’esprit
du français moyen que « s’il avait pas son défilé avec les
militaires, la Légion et la Patrouille de France, y manquerait
quekchose ! »…un peu comme les bals et les feux d’artifice. Soit. Cependant,
je me mis à rêver, puis, à imaginer une nouvelle sorte de défilé qui pourrait
plus correspondre aux tendances actuelles, comme dans un rêve rose…
« Tout d’abord, en tête,
comme il se doit, le Grand Mamamouchi, chef du harem et du gynécée, la tête
couronnée d’un potiron de cuir, façon Halloween, drapé dans une gandoura de
soie blanche et nu dessous. Il avance d’un pas lent et hésitant, regarde sans
le voir l’Arc de Triomphe au loin et jette à droite et à gauche – surtout à
droite – des coups d’œil furtifs pour s’assurer qu’il n’y a pas de risque
d’être conspué. De temps à autre, à la faveur de la brise qui souffle sur
l’avenue, sa gandoura flotte et claque puis se plaque contre ses fesses quelque
peu amorphes. A ses côtés, brun et bouclé, un enfant muni d’une tapette chasse
les mouches qui l’importunent. A deux pas derrière lui, ses trois (peut-être
quatre) favorites avancent de front, les yeux rivés sur l’arche, et se
demandent toutes in petto si leurs
cornes ne les empêcheront pas de passer dessous. Elles sont vêtues d’une toge
blanche à la romaine, ample et souple, et leurs seins, allant de la calebasse à
la figue sèche en passant par la poire Guyot, se balancent au rythme de la
musique que joue l’Orchestre national « En Avant Toute » juché sur
une estrade latérale érigée expressément pour l’occasion.
Vient ensuite Jack, le Grand
Eunuque des Activités Ludiques et ses
sbires armés de cotillons et de serpentins qu’ils lancent à la foule en liesse
et celle-ci tente d’en ramasser un maximum : en effet, le bruit court qu’il y aurait parmi ces centaines de
milliers de confettis trois seulement frappés d’une Marianne. La personne
rapportant à la Française des Jeux l’un de ces trois confettis se verrait récompensée
à hauteur de…de… (ah !
je n’arrive pas à lire la règle du jeu, les lettres sont trop petites !) bref, se verrait récompensée, ce
qui est déjà pas mal !
Puis, dans la foulée, formant un
peloton tiré au cordeau, s’avancent les canons d’Anjou montés sur roues de Gruyère
AOC, l’ensemble tiré par des gorets-truffiers tout de cuir harnachés du groin à
la queue par Hermès. La démonstration est impressionnante et donne à réfléchir
aux ennemis potentiels de la France !
Dix mètres plus bas, tiré par une Twingo série « camouflage de
cambrousse », s’avance de front le joyau du défilé que la terre entière
nous envie : une batterie de missiles de croisière de luxe 5 étoiles à ogives romanes et
têtes chercheuses de petites bêtes. Les silos de lancement sont joliment
historiés de pierres précieuses serties de griffes d’or 18 carats de chez
Cartier. A ce tarif-là, on comprend qu’on en balance peu, mais on les montre… de chez Cartier aussi !
Un peu plus loin, le bataillon réuni
des filles du Lido et du Crazy Horse Saloon qui avance à pas de samba sur
musique Brasilia fait grosse impression sur le public masculin et petite moue
chez les femmes. Vêtues de strings et de bas résille, les filles sont armées de
pistolets mitrailleurs à eau avec lesquels elles aspergent la foule au Dom
Pérignon : la liesse est à son comble ! N’y tenant plus, un quidam
sort même des rangs et se rue vers elles, la bouche grand ’ouverte ; mais
le boit-sans-soif est vite ceinturé par les CRS et repoussé derrière les
barrières sous les hourvaris du public.
Serrant derrière (ça se
comprend !), le régiment de sapeurs Camembert, fabriqués en Normandie au
lait cru et moulés à la louche,
provoque dans la foule un « Oooh ! » jubilatoire et admiratif.
Il y a de quoi : chaque sapeur tient une vache normande en licou de la
main droite et un bidon de fer blanc de la main gauche. L’un d’eux fait penser
à Fernandel dans la Vache et le Prisonnier
avec son calot sur le crâne et sa mine anti personnelle plutôt bonhomme. Les
vaches, précaution élémentaire, sont équipées de couches culottes plastifiées
Bouzou-Bouzou afin d’éviter de transformer la plus belle avenue du monde en une
patinoire olympique… ça ferait tâche, vous en conviendrez !
Ensuite arrive à pas de loup, la
section de la promotion annuelle des ANES (Administration National Education
School, version moderne de l’ENA), mode d’emploi en main et dont la présence au
milieu de cet arsenal musclé et
dissuasif s’explique mal…mais il est vrai qu’elle sera chargée de faire
fonctionner le capharnaüm !
Ensuite encore, la compagnie des
Oies du Capital avance au pas de l’oie – comme il se doit –. Elles arborent des
casquettes racailles frappées du slogan : « Y a qu’ le foie qui
sauve ! » et sont cornaquées par les petits ramasseurs de balles
(perdues ?) de Roland Garros habillés de shorts et tee-shirts rayés blanc
et caca d’oie spécialement conçus par Jean-Paul Gaultier. De plus, là encore
dans un souci de lutte contre la pollution, ils sont chargés de ramasser les
éventuelles crottes des palmipèdes à l’aide de petits sacs plastique imprimés
« Je fais donc je pense…à ramasser ! »
Enfin, triomphal et conquérant, surgit
le char d’assauts homosexuels, canon en érection et chenilles bien huilées. Sur
sa tourelle est agglutinée une bande d’éphèbes interlope qui balance sur la foule des bombes à eau
confectionnées avec des préservatifs remplis de sirop de grenadine tandis que,
tirées depuis la Place de la Concorde,
des fusées de grande détresse strient le firmament francilien de leur
queue rose, mauve et parme…"
« Tout ça a quand même une autre
gueule, non ? »
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