vendredi 11 septembre 2015

Petite Poli-fiction ( Acte 1)



Les Nouveaux Aristocrades

Petite poli-fiction
(Acte 1)

Vendredi 21 novembre 2014
Lorsqu’elle reçut ce sms, ce vendredi à 8 heures 25, Marine Le Pen, dans sa cuisine,  finissait de boire sa tasse de thé. « Madame, veuillez appeler le palais de l’Elysée au 07 01 02 03 04. Merci. (Attention, ce numéro n’est utilisable qu’une seule fois au cours des 15 prochaines minutes !)
D’emblée, elle pensa à un canular et reprit une cuillerée de confiture de quetsche. Puis elle relut le message, regarda sa montre et se leva pour aller se brosser les dents dans la salle de bains. Pendant l’opération, elle repensait à ce message singulier et inattendu, puis, réajustant le bouton de son chemisier et remettant en place une mèche rebelle derrière l’oreille,  elle quitta la salle de bains vers le salon tout en composant le numéro sur son portable.
« C’est surement une blague, mais on verra bien… ! », se dit-elle en s’asseyant d’une fesse sur l’accoudoir d’un des fauteuils crapaud. Sonnerie…
-          « Bonjour Madame », répondit une voix neutre, « François Hollande à l’appareil… »
-          « Euh…Bonjour, Monsieur…le Président !? », hésita-t-elle, un peu surprise de ce contact direct. Du coup, elle se leva et avança jusqu’à l’une des portes fenêtres offrant à sa vue une Tour Eiffel marron se détachant à peine d’un ciel encore sombre et gris. « Que diable me veut-il ?», pensait-elle et la voix du Président reprit :
-          « Je vous remercie d’avoir appelé aussi vite…voilà, euh…je souhaiterais que l’on se voie en tête-à-tête, ici à l’Elysée, car j’ai quelque chose d’important à vous dire. »
-          « Ah ? Bien…et…quand voulez-vous que nous nous voyions ? », s’enquit-elle prudemment.
-          « Rapidement », reprit le Président, « Disons…lundi 24 à 11h00 ? ça vous va ? »
-          « Attendez, permettez-moi de compulser mon agenda ! » Un coup d’œil rapide sur son calepin lui permit de répondre : « Ecoutez…lundi à 11h00, oui, c’est possible. »
-          « Parfait », dit François Hollande, « Une voiture banalisée de l’Elysée viendra vous prendre chez vous à 10h40. Les détails de la voiture vous seront communiqués par sms une demi-heure avant. Une dernière chose : la conversation que nous venons d’avoir ainsi que notre rendez-vous de lundi doivent im-pé-ra-ti-ve-ment rester confidentiels. Je compte sur vous, n’est-ce pas ? »
-          « Euh…c’est entendu, Monsieur le Président. »
-          « Parfait…et bien à lundi. Au revoir Madame. »
-          « Au revoir Monsieur le Président. »
Elle raccrocha et resta un moment immobile devant la porte fenêtre. Puis, elle composa le numéro de téléphone de Florian Philippot.
-          « Allo, Florian ?...c’est Marine, salut….Oui, oui, ça va ! Dis-moi, tu as un moment pour prendre un café ce matin, j’ai quelque chose à te dire ?...non, pas au téléphone…euh…chez toi, ou plutôt dans le bistro en bas de chez toi, je préfère !...Bien, vers 10 heures. A tout à l’heure, salut ! »
Elle enfila son imperméable, saisit son sac à main et ses clefs puis sortit sur le palier en claquant la porte. Dans l’escalier, elle croisa la concierge – Zora –  astiquant la rampe qui n’en n’avait pas besoin.
-          « Bonjor, madame Li Pen, ‘tention, c’matin, y fire bian froid, covri vous bian ! »
-          « Oui, oui, merci Zora ! Bonne journée ! » lui lança-t-elle en dévalant les derniers degrés.
***
De son côté, le président reprit son téléphone et composa un numéro.
-          « Allo ? Sarkozy ? Bonjour, c’est François Hollande !... »
La conversation terminée, François Hollande composa le numéro de Jean-Christophe Cambadélis mais fit une erreur et tomba sur Martine Aubry :
-          « Euh…Christ…tine ? Ah, oui, euh…Martine ! Oui…je t’appelais pour…euh…pour savoir comment tu allais…ça va ? Pas trop froid à Lille ?
-          « Tu m’appelles pour me demander comment je vais !?...C’est pas dans tes habitudes !
Merci, ça va… », dit-elle, dubitative.
-          « Bon, très bien, très bien…Ah ! je te laisse, on m’appelle sur une autre ligne…A bientôt ! » Puis, ayant raccroché : «  Et merde…ces portables… ! » maugréa-t-il tout haut.  A la lueur blafarde de la lampe à pied qui se reflétait dans les carreaux de ses lunettes, François Hollande prit soin de bien sélectionner le numéro qu’il voulait appeler puis, cela fait, se cala au fond du fauteuil qui émit un léger couinement. Après plusieurs sonneries, la voix rauque de quelqu’un que l’on réveille fit :
-          « Allooo ?...qui est à l’app…oui…François ? oui, bonjour…oui, je me suis couché un peu tard… »
-          « Bon, Christophe dis-moi, pour l’entrevue dont je t’avais parlé, ce sera lundi prochain à 11h00 dans mon bureau, d’accord ? » dit François Hollande, mécaniquement.
-          « Lundi ?...aïe ! »
-          « Quoi ? Tu n’peux pas ? » coupa le président.
-          « C’est que…euh… j’avais prévu de… », tergiversa Cambadélis.
-          « Ecoute, ce n’est déjà pas si simple, alors tu te démerdes pour être là lundi à 11h00, d’accord ? » ordonna le chef de l’Etat, « Salut ! »
Puis il raccrocha sèchement et se gratta la tête en pensant au secrétaire du Parti Socialiste qui avait dû se reblottir dans son lit chaud et douillet…
***
Un peu avant 10h00, Marine Le Pen descendit à l’arrêt de bus situé juste en face du bar « Le Canon ». Elle traversa la rue en dehors des clous tout en rédigeant un sms – ce qui n’est pas très prudent, on en conviendra – puis entra dans le Canon, inspecta d’un regard circulaire les tables de l’établissement partiellement occupées par ce qu’on appelle habituellement « les habitués ». Personne. Elle se dirigea vers une table retirée dans le fond de la salle, enleva son imperméable et son foulard puis s’assit sur la banquette face à la salle. Le garçon s’approcha avec un « Bonjour, qu’est-ce que j’vous sers ? » mécanique.
-          « Je prendrai un café serré, mais pas tout de suite…j’attends quelqu’un. »
Son portable vibra lui indiquant l’arrivée d’un sms : « J’arrive ! » et, en effet, Philippot venait d’arriver. Les oreilles un peu rouges, il s’approcha de sa table, se pencha pour lui coller deux bises joufflues et, se frottant les mains :
-          « Pas chaud, ce matin ! », puis, au garçon : « Un café…enfin, deux cafés, s’il vous plait !
Bon, alors, qu’est-ce que tu voulais me dire ? » lui demanda-t-il en s’asseyant.
Marine Le Pen regarda à gauche et à droite et s’arrêta un moment sur un client assis non loin d’eux  qui était en train d’analyser une page de « Paris-Turf ». Entre temps, le garçon avait apporté les cafés.
-          « Rien… ! » finit-elle par dire en tournant l’anse de sa tasse vers la droite.
-          « Comment RIEN ? Tu m’appelles ce matin en me disant que tu… »
-          « Oui, je sais ! » le coupa-t-elle, « mais, c’est un peu idiot…en fait, je voulais te dire que, la nuit dernière, j’ai fait un rêve, un rêve bizarre… »
Philippot, dont l’expression du regard fait habituellement penser à une louche de gelée de coing, lui jeta un œil encore plus louche.
-          « Un rêve ? », chanta-t-il, « et…tu ne pouvais pas en parler au téléphone ? »
-          « Non…c’est que c’était un rêve un peu spécial…en fait, voilà : j’ai rêvé que je recevais un sms me demandant d’appeler l’Elysée avec un numéro très spécial, et…alors, j’ai appelé et…dans mon rêve, je suis tombée sur Hollande qui m’a donné un rendez-vous pour le voir à l’Elysée car il avait quelque chose d’important à me dire et en précisant que ça devait rester secret… »
-          « Ah, ah ! ça c’est un drôle de rêve, en effet ! » plaisanta Philippot tout en touillant son café, « Et alors, il t’as donné rendez-vous en 2022 ? »
-          «Arrête ! Non…euh…je ne sais plus, je me suis réveillée et…mais, j’ai trouvé ça bizarre ! »
Philippot émit un soufflement désabusé.
-          « Oui, bon, les rêves qu’on fait sont souvent bizarres, parfois même incohérents. Au fait, la réunion du bureau de lundi tient toujours ? » ajouta-t-il brusquement.
-          « Oui…ah, non ! J’ai un empêchement en fin de matinée. Il faudrait la décaler soit dans l’après-midi soit le mardi matin. Tu peux t’en occuper et me tenir au courant ? ».
Tout en disant cela, Marine Le Pen avait remis son portable dans son sac, puis, se levant, elle ajouta :
-          « Bien, je te laisse. J’ai plein de choses à faire. »
Finissant sa tasse de café, Philippot lui décocha : « Il y a un site internet qui s’appelle Que veulent dire mes rêves.fr, va voir, on se sait jamais… ! »
Marine Le Pen s’éloigna et sortit du Canon en haussant les épaules.
***


A suivre….

3 commentaires:

  1. vous ne pouvez pas nous laisser comme ça, sur notre "fin", cher Lyconide ...Attelez vous vite à la suite !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un peu de patience. C'est comme le strip-tease...Il faut que ce soit lent...mais pas trop! Bref, ça va venir...

      Supprimer