Les
Nouveaux Aristocrades
Petite poli-fiction
(Acte 1)
Vendredi
21 novembre 2014
Lorsqu’elle reçut ce sms, ce vendredi
à 8 heures 25, Marine Le Pen, dans sa cuisine,
finissait de boire sa tasse de thé. « Madame, veuillez appeler le palais de l’Elysée au 07 01 02 03 04.
Merci. (Attention, ce numéro n’est utilisable qu’une seule fois au cours des 15
prochaines minutes !)
D’emblée, elle pensa à un canular et
reprit une cuillerée de confiture de quetsche. Puis elle relut le message,
regarda sa montre et se leva pour aller se brosser les dents dans la salle de
bains. Pendant l’opération, elle repensait à ce message singulier et inattendu,
puis, réajustant le bouton de son chemisier et remettant en place une mèche
rebelle derrière l’oreille, elle quitta
la salle de bains vers le salon tout en composant le numéro sur son portable.
« C’est surement une blague, mais
on verra bien… ! », se dit-elle en s’asseyant d’une fesse sur
l’accoudoir d’un des fauteuils crapaud. Sonnerie…
-
« Bonjour Madame », répondit
une voix neutre, « François Hollande à l’appareil… »
-
« Euh…Bonjour, Monsieur…le
Président !? », hésita-t-elle, un peu surprise de ce contact direct.
Du coup, elle se leva et avança jusqu’à l’une des portes fenêtres offrant à sa
vue une Tour Eiffel marron se détachant à peine d’un ciel encore sombre et
gris. « Que diable me veut-il ?», pensait-elle et la voix du
Président reprit :
-
« Je vous remercie d’avoir appelé
aussi vite…voilà, euh…je souhaiterais que l’on se voie en tête-à-tête, ici à
l’Elysée, car j’ai quelque chose d’important à vous dire. »
-
« Ah ? Bien…et…quand
voulez-vous que nous nous voyions ? », s’enquit-elle prudemment.
-
« Rapidement », reprit le
Président, « Disons…lundi 24 à 11h00 ? ça vous va ? »
-
« Attendez, permettez-moi de
compulser mon agenda ! » Un coup d’œil rapide sur son calepin lui
permit de répondre : « Ecoutez…lundi à 11h00, oui, c’est
possible. »
-
« Parfait », dit François
Hollande, « Une voiture banalisée de l’Elysée viendra vous prendre chez
vous à 10h40. Les détails de la voiture vous seront communiqués par sms une
demi-heure avant. Une dernière chose : la conversation que nous venons
d’avoir ainsi que notre rendez-vous de lundi doivent im-pé-ra-ti-ve-ment rester
confidentiels. Je compte sur vous, n’est-ce pas ? »
-
« Euh…c’est entendu, Monsieur le
Président. »
-
« Parfait…et bien à lundi. Au
revoir Madame. »
-
« Au revoir Monsieur le
Président. »
Elle raccrocha et resta un moment immobile devant la porte
fenêtre. Puis, elle composa le numéro de téléphone de Florian Philippot.
-
« Allo, Florian ?...c’est
Marine, salut….Oui, oui, ça va ! Dis-moi, tu as un moment pour prendre un
café ce matin, j’ai quelque chose à te dire ?...non, pas au
téléphone…euh…chez toi, ou plutôt dans le bistro en bas de chez toi, je
préfère !...Bien, vers 10 heures. A tout à l’heure, salut ! »
Elle enfila son imperméable, saisit son sac à main et ses clefs
puis sortit sur le palier en claquant la porte. Dans l’escalier, elle croisa la
concierge – Zora – astiquant la rampe
qui n’en n’avait pas besoin.
-
« Bonjor, madame Li Pen,
‘tention, c’matin, y fire bian froid, covri vous bian ! »
-
« Oui, oui, merci Zora !
Bonne journée ! » lui lança-t-elle en dévalant les derniers degrés.
***
De son côté, le président reprit son téléphone et composa un
numéro.
-
« Allo ? Sarkozy ?
Bonjour, c’est François Hollande !... »
La conversation terminée, François Hollande composa le numéro de Jean-Christophe
Cambadélis mais fit une erreur et tomba sur Martine Aubry :
-
« Euh…Christ…tine ? Ah, oui,
euh…Martine ! Oui…je t’appelais pour…euh…pour savoir comment tu allais…ça
va ? Pas trop froid à Lille ?
-
« Tu m’appelles pour me demander
comment je vais !?...C’est pas dans tes habitudes !
Merci, ça va… », dit-elle, dubitative.
-
« Bon, très bien, très
bien…Ah ! je te laisse, on m’appelle sur une autre ligne…A
bientôt ! » Puis, ayant raccroché : « Et merde…ces
portables… ! » maugréa-t-il tout haut. A la lueur blafarde de la lampe à pied qui se
reflétait dans les carreaux de ses lunettes, François Hollande prit soin de
bien sélectionner le numéro qu’il voulait appeler puis, cela fait, se cala au
fond du fauteuil qui émit un léger couinement. Après plusieurs sonneries, la
voix rauque de quelqu’un que l’on réveille fit :
-
« Allooo ?...qui est à
l’app…oui…François ? oui, bonjour…oui, je me suis couché un peu tard… »
-
« Bon, Christophe dis-moi, pour
l’entrevue dont je t’avais parlé, ce sera lundi prochain à 11h00 dans mon
bureau, d’accord ? » dit François Hollande, mécaniquement.
-
« Lundi ?...aïe ! »
-
« Quoi ? Tu n’peux
pas ? » coupa le président.
-
« C’est que…euh… j’avais prévu
de… », tergiversa Cambadélis.
-
« Ecoute, ce n’est déjà pas si
simple, alors tu te démerdes pour être là lundi à 11h00, d’accord ? »
ordonna le chef de l’Etat, « Salut ! »
Puis il raccrocha sèchement et se gratta la tête en pensant au
secrétaire du Parti Socialiste qui avait dû se reblottir dans son lit chaud et
douillet…
***
Un peu avant 10h00, Marine Le Pen descendit à l’arrêt de bus situé
juste en face du bar « Le Canon ». Elle traversa la rue en dehors des
clous tout en rédigeant un sms – ce qui n’est pas très prudent, on en
conviendra – puis entra dans le Canon, inspecta d’un regard circulaire les
tables de l’établissement partiellement occupées par ce qu’on appelle habituellement
« les habitués ». Personne.
Elle se dirigea vers une table retirée dans le fond de la salle, enleva son
imperméable et son foulard puis s’assit sur la banquette face à la salle. Le
garçon s’approcha avec un « Bonjour,
qu’est-ce que j’vous sers ? » mécanique.
-
« Je prendrai un café serré, mais
pas tout de suite…j’attends quelqu’un. »
Son portable vibra lui indiquant l’arrivée d’un
sms : « J’arrive ! »
et, en effet, Philippot venait d’arriver. Les oreilles un peu rouges, il
s’approcha de sa table, se pencha pour lui coller deux bises joufflues et, se
frottant les mains :
-
« Pas chaud, ce
matin ! », puis, au garçon : « Un café…enfin, deux
cafés, s’il vous plait !
Bon, alors, qu’est-ce que tu voulais me dire ? » lui
demanda-t-il en s’asseyant.
Marine Le Pen regarda à gauche et à
droite et s’arrêta un moment sur un client assis non loin d’eux qui était en train d’analyser une page de
« Paris-Turf ». Entre temps, le garçon avait apporté les cafés.
-
« Rien… ! » finit-elle
par dire en tournant l’anse de sa tasse vers la droite.
-
« Comment RIEN ? Tu
m’appelles ce matin en me disant que tu… »
-
« Oui, je sais ! » le
coupa-t-elle, « mais, c’est un peu idiot…en fait, je voulais te dire que,
la nuit dernière, j’ai fait un rêve, un rêve bizarre… »
Philippot, dont l’expression du regard fait habituellement penser
à une louche de gelée de coing, lui jeta un œil encore plus louche.
-
« Un rêve ? »,
chanta-t-il, « et…tu ne pouvais pas en parler au téléphone ? »
-
« Non…c’est que c’était un rêve
un peu spécial…en fait, voilà : j’ai rêvé que je recevais un sms me
demandant d’appeler l’Elysée avec un numéro très spécial, et…alors, j’ai appelé
et…dans mon rêve, je suis tombée sur Hollande qui m’a donné un rendez-vous pour
le voir à l’Elysée car il avait quelque chose d’important à me dire et en
précisant que ça devait rester secret… »
-
« Ah, ah ! ça c’est un drôle
de rêve, en effet ! » plaisanta Philippot tout en touillant son café,
« Et alors, il t’as donné rendez-vous en 2022 ? »
-
«Arrête ! Non…euh…je ne sais
plus, je me suis réveillée et…mais, j’ai trouvé ça bizarre ! »
Philippot émit un soufflement désabusé.
-
« Oui, bon, les rêves qu’on fait
sont souvent bizarres, parfois même incohérents. Au fait, la réunion du bureau
de lundi tient toujours ? » ajouta-t-il brusquement.
-
« Oui…ah, non ! J’ai un
empêchement en fin de matinée. Il faudrait la décaler soit dans l’après-midi
soit le mardi matin. Tu peux t’en occuper et me tenir au courant ? ».
Tout en disant cela, Marine Le Pen avait remis son portable dans
son sac, puis, se levant, elle ajouta :
-
« Bien, je te laisse. J’ai plein
de choses à faire. »
Finissant sa tasse de café, Philippot lui
décocha : « Il y a un site internet qui s’appelle Que veulent dire mes rêves.fr, va voir,
on se sait jamais… ! »
Marine Le Pen s’éloigna et sortit du Canon en haussant les
épaules.
***
A suivre….
vous ne pouvez pas nous laisser comme ça, sur notre "fin", cher Lyconide ...Attelez vous vite à la suite !
RépondreSupprimerUn peu de patience. C'est comme le strip-tease...Il faut que ce soit lent...mais pas trop! Bref, ça va venir...
SupprimerC'est sympa! Faut continuer!
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