mercredi 4 janvier 2017

Les Guêpes du Millier (1)


Rebondissement dans l’affaire des guêpes

De notre envoyé spécial à Douarnenez, Ivan de La Serge.



Dans le n° 1252 du Télégramme de Brest daté du vendredi 5 octobre 2012, nous avions relaté l’incroyable mésaventure survenue à un groupe de huit touristes, à proximité de la Pointe du Millier, à 10kms à l’ouest de Douarnenez : deux essaims de plusieurs milliers de guêpes avaient attaqué sauvagement ces personnes tandis qu’elles se promenaient paisiblement le long du sentier reliant le parking à la pointe. La plupart des promeneurs avait pu prendre la fuite vers les voitures restées garées sur le parking, tandis que trois autres ont été littéralement assaillies par des insectes survoltés. Deux femmes ont été férocement piquées à la tête à plusieurs reprises et un homme, voulant probablement éloigner les furies à l’aide d’une écharpe, s’est fait également piquer à deux reprises à l’oreille droite.



Des tonnes de cortisone !



Les malheureux se sont précipités à la pharmacie de Poullan-sur-Mer pour y recevoir les premiers soins d’urgence, mettant à mal les stocks de cortisone de la petite officine. La pharmacienne, Madame Bonis, avait témoigné au micro : « Ce genre d’agression est très rare dans notre coin car, ici, les guêpes sont plutôt pacifiques…Nous leur avons tout de suite administré de la pommade à base de cortisone ainsi que des granules homéopathiques « piculae non gratae » à prendre toutes les dix minutes…Ah, c’est une drôle d’affaire ! »



Petit chapeau de toile et lunettes !



La semaine dernière, un inconnu s’est rendu à la Gendarmerie de Douarnenez afin d’y faire une déposition en arguant avoir été le témoin oculaire de l’assaut des insectes. Cet homme n’a pas voulu révéler son identité. Cependant, la déposition faite par ses soins est claire : « Je me promenais avec mon chien sur le sentier du Millier précédé par un homme, style randonneur, avec sac à dos, petit chapeau de toile et lunettes de soleil ; quand, soudain, le quidam a donné des coups de talons dans le talus humide du sentier, et là, des centaines, voire des milliers de guêpes sont sorties par les orifices du nid, avec une telle densité que la lumière du jour en fut soudainement amoindrie. J’ai bien compris qu’il fallait illico battre en retraite. Ce ne fut pas le cas d’autres personnes se trouvant plus en amont du sentier et qui eurent maille à partir avec les insectes ! »

A la question : « Pouvez-vous donner plus de détails sur ce randonneur ? », 

Le témoin reste assez évasif : « Oh, pas facile car il me tournait le dos et puis il se trouvait à environ vingt mètres de moi…Je dirais : entre 35 et 55 ans, entre 1,70m et 1,80m, chapeau couleur brume, anorak K-way bleu et bâton de randonneur… »

« Et le chien ? »

« Le chien ! Je peux vous dire qu’il a filé vite fait. Il avait dû sentir quelque chose ! …Voilà, ah, oui, j’oubliais quelque chose : alors qu’il foulait rageusement du pied le nid des pauvres bêtes, le promeneur s’écriait : «  Les guêpes, moi, je les mâte ! »



L’adjudant-chef Bigorneau, de la brigade de gendarmerie de Douarnenez, nous a confié que « l’enquête s’annonçait longue et difficile et que les indices étaient assez maigres ». Cependant, de source sûre, les gendarmes de Douarnenez ont placé un homme en garde à vue depuis jeudi soir. Répondant exactement au signalement donné par le témoin, le suspect aurait  confié aux enquêteurs de la maréchaussée : « Je suis l’homme qui parle à l’oreille des guêpes ! » Mais, il nie toute implication dans cette affaire.



L’enquête continue.

Les Guêpes du Millier (2)


Guêpes du Millier : une piste sérieuse ?

De notre envoyé spécial à Douarnenez, Ivan de La Serge.



C’est dans un climat confus que se poursuit l’enquête sur les possibles responsabilités liées à l’attaque de touristes par des millions de guêpes à proximité de la pointe du Millier (Voir numéros 1252 et 1271 du TdB). En effet, l’homme suspecté d’avoir agacé les insectes et correspondant au portrait-robot, avait été  mis en garde à vue à la gendarmerie de Douarnenez mais avait nié en bloc son implication dans cette ténébreuse affaire. Dès lors, l’enquête se présentait particulièrement difficile et délicate pour la brigade de gendarmerie.

Aujourd’hui, les choses semblent s’éclaircir grâce aux révélations de Monsieur Kermadoué, résidant au lieu-dit Ménez-Gouret,  que le journal a pu rencontrer au Café-PMU La Belle Bigouden dont il est un habitué assidu.

Télégramme de Brest : « Monsieur Kermadoué, nous avons compris que aviez des informations importantes à communiquer sur la personne suspectée dans l’affaire des guêpes du Millier. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Monsieur Kermadoué : « Ben…voilà…A vrai dire, j’le connais pas plus qu’çà, c’type, même si, d’temps en temps, j’le vois ici quand il vient faire un PMU ou une loterie. A vrai dire, j’sais même pas comment qui s’appelle et où qu’y crèche ! C’que je sais c’est qu’y parle tout le temps de guêpes. Il dit qu’y les connait comme pas deux et qu’y pourrait les dresser pour les montrer au cirque…Hé,hé ! Il prétend qu’y leur parle à l’oreille – les guêpes ont-y des oreilles ?- et qu’y leur donne des ordres…A la vôtre ! (Il lève son verre) Mais le plus rigolo, c’est qu’elles lui obéissent, au doigt et à l’œil…Bon, moi, j’l’ai jamais vu faire ça…(Il se tourne vers le comptoir et interpelle le patron) Eh, dis-donc, Maurice, tu l’as vu toi, le gars des guêpes faire tout ce qui dit ? »



Le Patron : « Ben non, parce qu’il dit qu’il  faut qu’il soit tout seul avec elles, sinon…bernique ! »



T. de B. : « Quelle genre de chose prétend-il leur faire faire ? »



Monsieur K. « Oh ben, j’sais pas, moi…Un jour, y m’a raconté qu’il les avait fait mettre au garde à vous devant lui, qu’elles bougeaient pas d’un poil, un peu comme un adjudant devant sa section, et pis qu’elles l’écoutaient sans moufeter…Une aut’fois, il avait eu des problèmes avec les gendarmes, sur la route de Poullan, rapport à ce qu’il avait bu un coup d’trop, et ben, il a rassemblé les guêpes et il les a envoyées foutre le bazar dans la camionnette des gendarmes ! Et pis, encore un’aut’fois, il m’a dit qu’il les avait fait rentrer dans un distributeur de billets et pis quand des clients sont venus pour retirer de l’argent, au lieu que ce souaille des billets qui sont sortis de la fente, c’est des guêpes ! Eh, eh, ma doué béniguette !  A la vôtre ! (Il lève son verre) J’aurais ben voulu voir la tête des gens qui voient sortir des bestioles à la place des biffetons !!!Ah, nom de D… ! »

T. de B. : « Bon, très bien, mais ça n’explique pas cette attaque sur les touristes à la Pointe du Millier. Vous avez une idée ? »



Monsieur K. : « Ben…pas vraiment ! A vrai dire, mon idée c’est que c’gars-là, il aime pas beaucoup qu’les gens viennent rôder sur le sentier du Millier…Y dit qu’aut’fois, sur la Pointe, y avait une maison  qu’appartenait à sa famille et, qu’un jour de tempête énorme la maison a été détruite et emportée par une lame de fond. Du coup, il dit que c’est un peu chez lui… ! »



T. de B. : « Ah bon ! Et alors ? »



Monsieur K. : « Et alors ? Ben c’est tout ! Est-ce que je sais, moé ! J’vous demande-t-y comment il est fabriqué le papier d’votre journal ! Parce que…vous savez à quoi y’m’sert à moi, vot’journal, hein ? Maurice, tu me remets la même chose ! …Non mais ! »



Comme on voit, malgré quelques nouveaux indices, l’enquête piétine !




Les Guêpes du Millier (3)


Guêpes du Millier : vers un dénouement?

De notre envoyé spécial à Douarnenez, Ivan de La Serge.



On se souvient que cette affaire avait fait couler beaucoup d’encre (voir les numéros 1252 et 1271 du TdB) sans que la vérité soit faite pour autant sur la responsabilité de l’attaque de touristes par des myriades de guêpes à la pointe du Millier en octobre 2012. A la gendarmerie de Douarnenez, grâce aux renforts dépêchés par la Préfecture de Quimper, une équipe spéciale, le Service de Gendarmerie Employé aux Guêpes (S.G.E.G.), avait même été constituée. Le S.G.E.G., sous la responsabilité de l’adjudant-chef Bigorneau - réputé pour ne jamais rester les deux pieds dans la même coquille -, a mené secrètement cette enquête ingrate et difficile. Après de longs mois de traque, de déductions, de confrontations, de contrôles, de perquisitions et surtout de persévérance, où en est-on aujourd’hui dans cette affaire ?



CONTROLE DE ROUTINE

Grâce à quelques indiscrétions, le TdB est aujourd’hui en mesure de révéler que l’individu suspecté d’avoir agacé les insectes piqueurs à la pointe du Millier a été appréhendé par le S.G.E.G. et placé en garde à vue dès le mois de février 2013. Le coup de filet a été réalisé lors d’une opération de contrôle de routine de gendarmerie à quelque 354 kms de Douarnenez, à l’entrée de la petite bourgade viticole de la Chapelle-Heulin (Loire-Atlantique). Le suspect, dont le portrait-robot avait été dressé à l’aide de plusieurs témoignages au moment des faits et placardé dans tous les commissariats et gendarmeries du Grand Ouest, a été immédiatement écroué sans qu’il oppose quelle que résistance que ce soit.



AUDITION A HUIS-CLOS

Le jugement a été instruit par le parquet du Tribunal d’Instance de Douarnenez dont les séances ont été tenues à huis-clos.

Nous avons pu, cependant, nous procurer l’enregistrement sonore des audiences dont nous pouvons ici retranscrire les extraits les plus significatifs.

Le Procureur : « Accusé, que faisiez-vous à l’entrée de la Chapelle-Heulin le 5 février ? »

Mr F…. : « J’allais chercher du vin au domaine des J…qui produit un très bon Muscadet. »

Le Procureur : « Et qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez réalisé que le S.G.EG. était à vos trousses ? »

Mr F… : « Tout d’abord, rien, mais par la suite j’étais bien conscient que ça allait faire mal ! »

Le Procureur : « Soit ! Mais vous êtes-vous rendu compte que les piqûres de guêpes pouvaient faire encore plus mal ? »

Mr F… : « Non, les guêpes ont un dard. C’est une autre paire de manches… ! »



ROBE DE GUEPE

Parmi les nombreux témoins  appelés à la barre, il y eut Monsieur Maurice Rouadec, patron de La Belle Bigouden qui, à la question du Procureur sur ce qu’il savait de l’accusé, décréta notamment : «  Ben, à vrai dire, pas grand’chose même s’il passait souvent à la Belle Bigouden. Il se contentait de commander « une robe de guêpe » ! Une robe de guêpe, c’est un cocktail à base de crème de cassis, de Suze et de Ricard et, quand on le prépare, ça ressemble à l’abdomen d’une guêpe. Il ne buvait que ça !...

Le Procureur : « Que disait-il ? »

Mr Rouadec : « Ah, ben, rien de spécial…Ah, oui ! Un jour, il m’a dit qu’il voulait organiser un grand défilé avec des guêpes et qu’il appellerait ça « La Guêpe Pride » !Hé hé ! Rigolo, non ? »

Le Procureur : «Hum…ouais, si on veut ! »



Parmi les autres témoins appelés, il faut mentionner Monsieur Kermadoué, de Ménez-Gouret, qui observa un mutisme total probablement dû à une trop forte émotion. Mais également, Madame Laruche, cireuse de parquets – sourde-muette de naissance – qui n’apporta pas d’éléments nouveaux à la Justice ; Monsieur le Baron Poivreau d’Armor – 94 ans – qui pensait assister à une reconstitution du procès de Nurmberg et qui termina sa déposition par un « Vive Pétain ! » tonitruant ; Monsieur Petitvello – garde-chasse à Poullan – qui, entre deux éructations,  réussit à exprimer qu’il ne voyait pas pourquoi on lui parlait de guêpes alors qu’il ne s’occupait que de lapins et de perdreaux…



Sur ces piètres dépositions, le Tribunal, dans sa mansuétude, a déclaré que l’affaire serait classée sans suite et a immédiatement ordonné la relaxe du prévenu.



I.dLS