La paonne du Cachemire
La Tata que j’avais louée le matin-même à Amritsar m’avait
paru suffisamment vaillante pour affronter le périple et rien ne laissait
supposer qu’elle irait bientôt s’épancher à la faveur des jolies boucles qui
s’offraient à sa convoitise. Dans ce genre de situation, ne sachant jamais trop sur quelle pédale
danser, il vaut mieux rester sur ses gardes et ménager ses arrières d’autant
que, dans le cas précis, les occasions de séduction étaient nombreuses : des
optiques sans fard, un train flambant neuf, des accessoires rétro, un
accélérateur de partie cul et surtout, surtout, une propension à brouter dans
les côtes qui, encore aujourd’hui, me chatouille dans le dos ! « Avec elle, vous allez vous éclater »,
m’avait dit le tôlier, goguenard et le pouce levé, « bien sûr, elle suce un peu mais elle tire bien ! ». Je
sens bien que vous êtes en train de vous demander dans quel genre de
littérature vous vous êtes embarqué…
En effet, elle tirait bien la Tata, elle tirait si bien
qu’au moment de rétrograder dans un virage, le levier de vitesse me resta dans
la main ! Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé mais on se sent bête
avec cet organe dans la main (ça continue !), sans savoir exactement ce
qu’il y a lieu de faire : tenter vainement de le remettre en place rassure
de prime abord mais s’avère peu efficace techniquement parlant ; le poser
délicatement sur le siège d’à côté n’est pas plus efficace et cela fait
désordre d’autant que l’une des extrémités est forcément graisseuse ; ouvrir
la vitre et le jeter dans le fossé supprime une certaine angoisse mais ne
supprime pas la gêne occasionnée,
comme on dit dans les ERP lorsqu’il y a des travaux. Bref, on a beau gueuler à
gorge déployée que « la Tata, modèle
S121, année 1986, 5 portes, climatisation de série, peinture métallisée, au
prix de 59.999,00 roupies de sansonnet, ça ne vaut pas un coup de cidre »,
on a tout même l’air idiot !...
Je devais me trouver à quelque mille mètres d’altitude, sur
une route passablement tortueuse, se faufilant entre des petites falaises ocre
pourpre avec, du côté vide, un parapet de pierre comme on en voit le long de
toutes les routes de montagne. La végétation, plutôt verdoyante, et la
température ambiante, de l’ordre de vingt degrés, me donnaient l’impression de
me trouver plus dans les environs de Grasse qu’aux portes de la chaîne de
l’Himalaya. Sauf que…après m’être rendu à l’évidence que sans ce fameux levier
de vitesse en ordre de marche, je ne pouvais pas faire un yard de plus en avant
et que j’eus l’idée un moment de tenter une descente en roue libre jusqu’au
précédent village – ce à quoi je renonçai pour des raisons qu’il est inutile
d’exposer ici -, j’étais descendu de la voiture et m’étais posté sur le parapet
en attendant le passage d’un hypothétique véhicule. Qui passa, souffreteux,
sans s’arrêter, peut-être avec la crainte de ne plus pouvoir repartir. C’est
alors que j’entendis quelques grognements et cris aigus. En me levant, je pus
distinguer un genre de commères inattendues qui descendaient le versant sur les
fesses en se tenant aux branches des arbustes cornus, comme pour venir aux
nouvelles. Des singes. Des cynocéphales, pour être plus précis. Il y en avait,
je ne sais pas moi, dix…vingt…trente, assez tranquilles qui vinrent s’asseoir,
comme moi, sur le parapet mais avec le recul de sécurité. Jusque-là, je n’avais
vu ce genre de mammifères qu’au zoo. Là, ils évoluaient en liberté, se
chamaillant à grands cris stridents pour la possession de je ne sais quelle
place d’honneur et je savais qu’il s’agissait d’une espèce souvent agressive,
parfois méchante. Que faire ? Rentrer dans la voiture et n’en plus
bouger ? Jusqu’à quand ? Je pensais que le levier de vitesse pourrait
faire office de gourdin, le cas échéant, mais…Il faut bien convenir qu’ils
n’étaient pas venus là par hasard ; on sentait dans ce ballet une certaine
routine, une tradition vernaculaire que j’assimilerais volontiers à notre éculé
coup de la panne, (moi aussi, j’ai cru un instant qu’un contrepet se
dissimulait dans ces derniers mots, mais non, désolé !) à les voir ainsi
en rangs d’oignons et observant le moindre de mes gestes. Il fallait
parlementer, briser la glace ; aussi, je sortis lentement de la voiture en
exhibant avec ostentation, de la main droite, le paquet d’amandes que j’avais
acheté la veille au marché de Jammu en guise de drapeau blanc et, de la main
gauche cachée derrière le dos, mon appareil de photo, et m’avançai vers ce
public pittoresque qui visiblement attendait quelque manne. L’un des singes,
assez musclé, genre videur de boîte de nuit, le chef de la bande sans doute, se
redressa et fit un mouvement en avant, l’air de dire aux
autres : « Hey you, step
backward ! You never know with that kind of
bum! Well, apparently, he’s got some stuff! (Restez en arrière vous autres ! On ne sait jamais avec ce genre
de pingouin ; mais apparemment, il a de la cam’ !)». Parvenu à une
distance suffisamment réduite pour engager une manière de conversation mais
suffisamment conséquente pour s’assurer une retraite salvatrice, j’ouvris le
paquet d’amandes et en lançai quelques-unes dans le paquet…je veux dire, en
direction de l’assemblée. Que le chef de la bande ramassa pour les porter à sa
gueule, mais trop dures pour ses quenottes. Sous le regard agacé duquel l’un
des sous-fifres déboula vivement du parapet pour rafler deux ou trois fruits
secs plus un caillou puis retourna sur son séant et se mit à casser les coques.
Je pense n’avoir jamais vu ni entendu, même dans les souks les plus colorés et
les plus bruyants du monde arabe, une pareille foire d’empoigne. Moi qui,
habituellement, adore regarder évoluer ces étranges êtres, tellement proches de
notre genre, j’étais servi.
« Ça ne se passe pas toujours comme çà chez M… ! »
J’étais tout de même un peu inquiet sur la suite des
évènements et le déroulement de ma mission qui consistait, non pas à faire un
reportage photographique sur les us et coutumes des derniers cynocéphales (si
non c’est faux ?) vivant en groupe organisé dans les monts du Cachemire, mais à faire une reconnaissance
d’itinéraire entre Jammu et le site de Kishtwar où devait être implanté une centrale
hydro-électrique, à plus de 4.000m d’altitude, en passant par Udhampur et
Batoti, tronçon assez confortable, puis, jusqu’à Doda, dernière petite ville
possédant un hôtel – enfin un endroit où il est possible de dormir abrité -, 100 kms d’une route enlacée en lacets non
goudronnée sur laquelle deux véhicules ne peuvent se croiser qu’à certains
endroits, à l’instar de nos lignes de chemin de fer à voie unique. Recenser le
nombre de virages de moins de 90°, le nombre, l’état et les mensurations des ponts ainsi que des
tunnels et toutes autres difficultés de voirie notoires. J’avoue volontiers
qu’une certaine perplexité m’envahit. Il fallait bien que ce boulot fût fait et
que je le fisse fissa !...
Cependant, j’étais assez satisfait de l’effet des amandes produit
sur les singes avec lesquels s’établissait une manière d’intimité vu la
distance qui désormais nous séparait, quelques brasses, diraient les anglais
toujours très pragmatiques, mais le paquet s’épuisait. Après avoir pu faire
quelques bonnes photos qui, pensais-je, seraient du plus bel effet dans les
diners mondains, je retournai à la tata pour y dénicher le hamburger froid et à
moitié consommé qui avait fait mon déjeuner. J’en jetai quelques bouts à mes commensaux
de fortune. Ce qui tout d’abord provoqua une partie de chat-perché mâtinée de
ballon prisonnier ou, si vous préférez, de rugby américain à trente-deux sans
arbitre. Puis, le calme étant revenu, ce qui permit au chef de la bande de
goûter succinctement les restes, lesquels me furent renvoyés par air mail,
emballage compris. Compris également le message. Le Double Special Juicy Ham d’un
réputé fast fooder que je ne nommerai
pas mais dont le nom commence par M, n’avait pas l’air de faire l’unanimité
simiesque. « Que celui qui n’a jamais acheté un hamburger chez M…,
me jette la première pierre », eussé-je envie de crier. Peine perdue, une
première salve fut tirée dans ma direction, assez anarchique il faut le
reconnaître, et je dus battre en retraite derrière la tata qui prit un galet
acéré en pleine calandre. Déjà, je pensais avec anxiété à la séance de l’état
des lieux de restitution du véhicule et aux sarcasmes du loueur lorsqu’il
découvrirait l’ampleur des dégâts : « Back bumper twisted ! Gear
lever torn out! Four tires worn out ! Radiator grille dented ! My
dear Sir, it’s gonna cost you a fortune! » (Le pare-choc arrière tordu! Le levier de vitesse arraché! Quatre pneus usés jusqu’à la
corde ! La calandre enfoncée ! Mon cher Monsieur, l’addition va être
salée ! ), sans compter ce qui restait à esquinter au cours du voyage
à venir.
Les singes
semblaient de plus en plus excités vu la façon dont ils s’étaient regroupés
derrière leur leader charismatique, en rangs serrés, à l’image des manifestants
syndiqués qui affrontent les forces de l’ordre Place de la Nation les jours de
grande mobilisation, sauf que là, ils avaient la peau lisse au derrière et non
devant ! La situation était tendue et je ne voyais pas par quel subterfuge
je pouvais espérer la détendre. Dommage, car la journée avait plutôt bien
commencée : le ciel était bleu, l’air pur, la brise légère et la
végétation environnante d’un vert amande ; au loin, par-dessus les
collines rosées, on pouvait entrevoir des sommets plus conséquents
encapuchonnés de neige et de nuages souples, mais loin, très loin. Nos Pyrénées
et même nos Alpes font figure de gâtines à côté de la chaîne de l’Himalaya
où, à 4.000 mètres d’altitude, on a
l’impression de passer le Col de la Schlucht !
« Schloung ! » fit sourdement l’impact d’une
caillasse balancée par un manifestant sur la capot de la tata, ce qui me fit
revenir à la réalité et à l’abri. Je remontai dans la voiture dans l’espoir de
me soustraire à une éventuelle lapidation fanatique quand déboucha du virage
supérieur un véhicule militaire léger, façon Jeep, suivi d’un camion léopard,
débâché et transportant une douzaine d’hommes en treillis et arme au poing. Ils
stationnèrent l’un derrière l’autre devant la tata et, de la Jeep, descendit le
passager de gauche (c’est normal, on est en Inde !). A ses sardines sur
les manches, je compris que j’avais affaire à un sous-off en goguette.
Curieusement, comme si la vue des uniformes les avaient effarouchés, les singes
s’étaient dispersés, les uns derrière le parapet, les autres dans les arbustes
alentour et ne bougeaient plus. J’étais sorti de la tata et m’étais accoudé à
la portière ouverte. L’homme s’avança vers moi tout en scrutant furtivement le
sommet des falaises, suivi du chauffeur de la Jeep, à quelques mètres derrière.
Arrivé à ma hauteur, il s’immobilisa et fit un salut militaire britannique réglementaire 39,
rectifié 45.
- « Sergeant Omar Batifi, from 4th
section, District of Northern Panjab”, sortit-il, mécaniquement, d’une voix de castrat.
Il avait
l’air coquet avec son treillis moulé, très près du corps, et son béret vert rétréci
à peine posé sur le haut du crâne. A considérer les cuirs de ses rangers et de
l’étui de son pistolet dans lesquels on aurait pu se mirer, la boucle de son
ceinturon astiquée au Mirror et sa fine moustache noire tracée au crayon, je
compris que le Sergent Batifi était un homme méticuleux. Sauf que, sans doute
en raison de manipulations excessives de cirage, il avait les ongles noirs, pas
réellement sales, mais noirs. Peut-être s’agissait-il d’une coquetterie
indienne masculine ? Allez savoir. En fait, maintenant que le sergent se
trouvait à portée de lecture, je pus apprécier l’ourlet de son œil noir, le
balai de ses cils, la noirceur geai de ses cheveux minutieusement rasés aux
contours des oreilles et le médaillon d’argent pendu à une chaîne du même
substrat qui s’offrait à l’échancrure de son col de chemise sur un coussinet de
poils aussi noirs que roides, un véritable
écrin de crin !
(1) Montrez-moi votre passeport !
-
« Qu’est-ce que
vous faites ici ? », me demanda les ongles noirs, avec l’arrogance
que l’uniforme confère généralement à celui qui le porte. (Je tiens à préciser
ici que, sans mettre en doute la capacité que vous avez à comprendre la langue
de Jerome K. Jerome mais tout simplement pour des raisons de commodité, la
suite de ce dialogue est retranscrite en français).
- « Ce que je fais ici ?...Et bien, vous
voyez », lui répondis-je en arborant
le levier de vitesse graisseux.
- « Oh ! Qu’est-ce que c’est que ça ? »
Il avait dit cela
avec le ton d’une vendeuse de la boutique Hermès à qui on présente un fromage
d’Epoisses assez avancé, ce qui me conforta dans l’idée que nos ongles noirs
pouvaient bien avoir des affinités avec la tata.
-« Je suis tombé en panne et ça ne… », mais il ne
me laissa pas achever ma phrase.
-« Et les singes ? »,
glapit-il. « Que faisiez-vous avec les singes ? »
-« Mais je ne les connais pas moi, ces singes. Vous
pourriez peut-être me présenter, non ? »
-« Suffit ! Suffit ! Vous vous payez ma
tête ! Vous n’avez pas répondu à ma question : que faites-vous
ici ? »
Je sentais bien qu’il était rouge de colère même si cela ne
se voyait pas. Les hommes étaient descendus du camion pour se dégourdir les
jambes et fumer une cigarette, assis sur le parapet. Le chauffeur de la Jeep,
lui, s’était rapproché dans l’ombre de son chef et étalait un sourire de
touches de piano large comme deux octaves. Je décidai de dire la vérité.
-« En fait, je suis en mission professionnelle et je
dois faire un relevé topographique précis de la route jusqu’à Kishtwar ;
recenser le nombre des virages, des ponts et des tunnels, ainsi que leurs
dimensions et leur état ; et je prends des photos… »
Le Sergent Batifi faillit s’étrangler.
-« Quoi ! Vous me dites que vous faites un relevé
des ponts et des tunnels ? Avec des photos ? Est-ce que vous savez
que nous nous trouvons ici au Panjab, à quelques encablures de la frontière
pakistanaise et que la tension entre nos deux pays a atteint son paroxysme. De
l’autre côté de la vallée, l’armée pakistanaise a mobilisé quatre divisions
blindées qui peuvent attaquer l’Inde à tout moment et vous, vous annoncez benoîtement
que vous réalisez un relevé des ponts, des tunnels et des routes en prenant des
photos ! Montrez-moi votre passeport ! »
Ah, le passeport ! Où l’ai-je fourré ? Dans la
poche droite intérieure de ma veste…Où est ma veste ? Sur la banquette
arrière ! Je fouille. Rien. Mais non, il est dans ma serviette car je m’en
suis servi pour louer la tata. Le voilà.
-« Voici… », dis-je en tendant le document au
sergent qu’il feuilleta comme un beau livre d’images…
-« Hummm ! Françoise, joli nom ! »,
puis un peu rêveur, « Aaah, Paris !... », puis le tendit
négligemment au sous fifre qui retourna à la Jeep depuis laquelle je le vis
actionner une radio portative et parler à un quelconque QG dans le but probable
de vérifier la date de mon entrée sur le territoire indien.
-« Comment pourrais-je faire réparer cette
voiture ? », hasardai-je à tous hasards.
-« Silence ! c’est moi qui pose les
questions ! Donnez-moi votre appareil de photos ! »
Le ton était plutôt péremptoire. Re-poche droite
intérieure. Re-banquette arrière. Alors qu’il était tout simplement posé sur la
banquette avant, cet appareil, que je lui tendis avec l’envie de lui demander
s’il préférait que je posasse avec les singes ou bien accoudé à la portière de
la tata avec la chaîne de l’Himalaya en arrière-plan mais, vu l’état
d’agacement dans lequel l’avait mis mon histoire, je m’abstins. Et de fait, il
ouvrit nerveusement le boîtier en s’y reprenant à plusieurs fois, se cassa même
un ongle en maugréant « Oh, my
God ! ‘broke a nail ! », puis extirpa sauvagement la pellicule
comme un serpentin de la Saint Sylvestre et le piétina rageusement.
-« Voilà ce que je fais de vos photos de ponts et
tunnels, na ! »
J’eus un léger mouvement de protestation, un peu de
principe, mais, au fond, je me fichais pas mal de la pellicule que les ongles
noirs foulait pédérastement – pardon, je voulais dire, avec les pieds – car,
les clichés imprimés sur l’argentique ne concernaient que quelques vues
touristiques de Bombay ou de Jammu et les singes. Tout de même… !
-« Par ailleurs, » continua-t-il, « je suis
sûr que vous avez donné de la nourriture aux singes ! »
Je ne manifestai pas de réelle objection à cette
affirmation ; aussi, il
s’écria :
-« Il est strictement interdit de nourrir ces
bêtes ! Nous les avons à l’œil ! Il s’agit très probablement de
singes pakistanais qui passent quotidiennement la frontière…Ils sont peut-être
porteurs de virus inconnus dont l’Inde n’a pas à faire les frais, vous
comprenez ? Nous sommes en temps de guerre latente et c’est pire encore
que la guerre ouverte. Ces intrusions sournoises et permanentes nous causent
énormément de problèmes, à nous militaires. Donc, les gens comme vous qui
viennent faire des soi-disant repérages d’itinéraires et qui jouent les
touristes en tentant de se faire bien voir des macaques ennemis, moi, je les
coffre, OK ? »
Entre temps le sous-fifre était revenu à notre hauteur et
avait rendu mon passeport aux ongles noirs en lui glissant quelques mots en
indien qui pouvaient bien vouloir dire quelque chose comme « ça va, rien à
signaler ».
-« Ecoutez… ! », commençai-je à arrondir les
ongles – pardon, les angles – « je comprends que vous soyez, comment dire,
un peu nerveux compte tenu de cette tension diplomatique avec le Pakistan, mais
je pense que vos soupçons à mon égard sont exagérés. Je suis présentement
beaucoup plus préoccupé par l’état mécanique de la voiture que par l’état
gastrique de ces singes, pakistanais ou non, et… »
-« Taisez-vous ! », reprit le sergent en
papillonnant des paupières, « sinon, je vous confisque votre
passeport ! »
-« Vous n’avez pas le droit ! Je me plaindrai
auprès de l’ambassade de France ! »
-« Ah ah ah ! L’ambassade de France ! Mais
je me fiche pas mal de votre ambassade ! Je vous rappelle que mon pays est
en quasi état de guerre avec le Pakistan, alors, les jérémiades de vos
diplomates… ! », glapit-il en glissant mon passeport dans la poche de
sa chemise, « …Je vous ai à l’œil ! ». Puis, me le tendant
sans le lâcher : « Alors, on est d’accord, plus de photos de
ponts ni de tunnels ?...Bien ! »
Sur quoi, il refit son salut, puis retourna à la Jeep d’un
pas déhanché suivi de son acolyte. Avant de s’installer dans le véhicule, il se
tourna vers moi et me lança un « good
luck ! » plein de sollicitude.
Le petit convoi reprit la route descendante dans un nuage
de poussière, me plantant là avec les singes qui s’étaient replacés aux
premières loges…
Deux heures
plus tard, alors que les premières
ombres bleutées de la nuit envahissaient le vallon, j’entendis le ronronnement
d’un moteur : c’était une dépanneuse qui venait à ma rescousse car le
sergent Batifolle – pardon, Batifi –, tout homosexuel qu’il était et avec ses
airs de paonne, n’était pas au fond un mauvais bougre ! Moralité :
une paonne dépanne !
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